Modèle économique d’Internet : Big Data

A l’heure où presque tout est gratuit sur Internet, comment se financent les grands monopoles comme Facebook ou Google ?

Le modèle économique du numérique est-il le même partout ?

Et « Big Data », c’est quoi ?


C’est désormais une évidence : l’utilisation d’Internet s’est tant répandue qu’elle fait partie intégrante de notre vie quotidienne. Rendu accessible aux citoyens européens dans les années 1990, en moins de trente ans les opérateurs ont équipé Internet dans presque tous les foyers de l’hexagone. Ainsi en 2015, 83% de la population française avait accès à Internet et 68% des internautes étaient inscrits sur au moins un réseau social – la moyenne étant de quatre réseaux sociaux par utilisateur. A la fois fenêtre ouverte sur le monde et stock illimité de connaissances et d’informations en temps réel, Internet est également une terre incertaine où toute donnée personnelle est épiée, enregistrée et mise à profit à l’insu des utilisateurs par ses grands patrons invisibles.

La démocratisation d’Internet n’aurait peut-être pas été aussi fulgurante et massive si la gratuité et la liberté d’utilisation apparentes de celui-ci avaient été questionnées dès le début des années 2000…

internet dollar


Sommaire de l’article :


Le modèle économique

Avant toute chose, nous vous conseillons de consulter ce lien afin de bien comprendre le fonctionnement d’Internet, et ainsi pouvoir envisager clairement la manière dont marche son modèle économique.

Internet est basé sur un modèle de gratuité. Vous payez votre fournisseur d’accès pour pouvoir y accéder, mais une fois cela fait, la majeure partie du contenu présent sur le « cloud » est consultable librement sans débourser un centime, de Wikipédia à Youtube en passant par les sites de streaming, certains jeux en ligne et, bien évidemment, Facebook. Mais alors si tout est gratuit, comment se fait-il que Google soit à ce jour l’une des plus grandes puissances financières du monde ? Que Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, soit devenu l’un des hommes les plus riches de la planète en à peine une dizaine d’années ?

La réponse est simple : si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit.

Voilà la devise officieuse de GAFA, quatre lettres pour Google, Apple, Facebook et Amazon. A eux seuls, ils représentent 300 milliards de dollars annuels et plus de 800 milliards cumulés en bourse. « Tondre les moutons et leur vendre la laine », c’est ainsi que ces quatre géants-là s’enrichissent depuis une dizaine d’années. Le principe est le suivant : récolter le plus d’informations personnelles sur les internautes, et les revendre aux publicitaires. Pour se faire, des programmes enregistrent tous les faits et gestes des utilisateurs, de leurs moindres achats au temps passé sur telle ou telle page web, répertoriant leurs centres d’intérêts, leurs goûts et leurs habitudes (cela allant jusqu’à géolocaliser les personnes grâce à leurs smartphones pour connaître leurs magasins favoris etc.), afin de cibler au mieux ce qu’ils seraient susceptibles d’acquérir si on leur proposait au bon moment. Et ensuite, de vendre toutes ces informations aux entreprises désireuses d’augmenter leur chiffre d’affaires, qui achèteront des encarts publicitaires adaptés aux différents profils de consommateur. C’est un business model basé sur la valeur des données personnelles des utilisateurs et le ciblage publicitaire : si vous voyez apparaître des encarts vantant les mérites de tel ou tel robot mixeur, c’est que les algorithmes de Google ont retenu vos recherches récentes sur des sites de cuisine. Si vous cliquez sur le lien, la marque de mixeur paiera alors un certain montant à Google, et ainsi de suite pour tous les internautes qui cliqueront sur les liens suggérés par les programmes de ciblage – à moins que l’entreprise n’ait acheté au préalable vos informations personnelles en fonction de votre profil, et s’occupe ensuite elle-même de vous contacter par divers biais.

 Il faut considérer, aussi inconfortable que cela puisse être, que les géants de GAFA ont accès à toutes les informations dont ils pourraient avoir besoin, du détail de vos recherches à votre nombre de clics par minute en passant par le moindre de vos échanges de mails, votre état de santé et celui de vos proches, ou encore toutes vos géolocalisations enregistrées par votre smartphone ou votre GPS : aucune information ne se perd. Et ce que vend GAFA aux entreprises est résumé par cette phrase du patron de TF1 en 2004 : du « temps de cerveau disponible ». Prenons l’exemple de Facebook : entre deux conversations, une vidéo de chats et quelques liens plus ou moins hasardeux sur l’actualité, les programmes intercaleront des encarts promotionnels aux endroits les plus propices, évitant d’être trop intrusifs tout en captant votre attention aux moments où elle est la plus malléable.

Forcés de s’aligner sur ce modèle massif de gratuité (ou de très bas prix dans le cas d’Amazon), les autres organismes utilisent des business models basés sur le même principe, capables de fonctionner en parallèle. Voici les trois modèles économiques les plus usités sur Internet :

  • les subventions croisées directes : un achat peu coûteux qui nécessite pour le consommateur d’acheter un autre objet sur lequel l’entreprise marge beaucoup plus, par exemple une imprimante bon marché et ses cartouches d’encre.
  • les dons : certaines sociétés parviennent à fonctionner uniquement grâce aux dons de leurs utilisateurs, comme c’est le cas pour Wikipédia par exemple.
  • le freemium : gratuit au premier abord, le site propose des contenus ou services supplémentaires accessibles moyennant une transaction financière. Les utilisateurs « premium » sont en moyenne 10% du total des utilisateurs et financent tout le reste des utilisations gratuites, à l’inverse du système d’assurances. C’est le cas des sites de musique en ligne comme Deezer ou Spotify, qui enlèvent les publicités et proposent d’autres fonctionnalités (synchronisation des playlists, exclusivités etc.) pour les utilisateurs payant.

 


Big Data

Le commerce des données personnelles des internautes nous mène à se demander où finissent toutes ces quantités astronomiques d’informations. Car en effet, les serveurs d’Internet gardent tout sans exception, ce qui rend GAFA si efficace dans son travail de ciblage. Cette entité formée à la fois par la masse d’informations et son utilisation, se nomme communément Big Data ; ou le nouveau pétrole du 21ème siècle.

Il faut noter que 90% de la masse d’informations en ligne ont été créés ces 2 dernières années seulement. Big Data grandit ainsi à une vitesse quasi incontrôlable, puisque nous participons nous-mêmes à son expansion gargantuesque… Il se pose alors la question de la protection de la vie privée. Les lois étant assez floues à ce sujet et facilement contournables sur Internet, les entreprises sont libres d’engranger et de revendre des quantités astronomiques d’informations privées sur les internautes, sans jamais être inquiétées.

Entre Big Data et Big Brother la frontière est mince, les risques de dérive sont nombreux et probablement déjà en marche. Par exemple, la sécurité sociale française a d’ores et déjà les moyens de savoir si les appareils loués à l’usage des personnes faisant de l’apnée du sommeil, coûtant environ 1000 euros par an, sont suffisamment utilisés par les patients. Ces données permettent de réduire au maximum les dépenses effectuées, en retirant les appareils aux personnes ne les utilisant pas, ou trop peu. Si l’exploitation des données est susceptible d’amener à des optimisations avantageuses à l’égard des citoyens (par exemple pour les services publiques), pour l’instant, les objectifs sont surtout de lutter contre la fraude.


Comment gérer la sécurité de ses données personnelles ?

Face à Big Data, la gestion de ses données personnelles devient un enjeu primordial face à l’exploitation économique qui en est faite. Le pari est d’être en capacité de préserver les données qui nous appartiennent tout en continuant d’utiliser les outils numériques, et notamment les réseaux sociaux, sans préjudice. De simples précautions permettent de protéger efficacement ses données : en dehors d’un réseau social, sur tout autre site ou forum, il ne faut jamais communiquer son nom, son âge, son adresse, son numéro de téléphone et toute autre information susceptible de permettre une identification. Pour les réseaux sociaux, l’affaire est plus complexe : il faut connaître les paramètres de confidentialité afin de les configurer efficacement, mais aussi remplir le moins possible les différents éléments du profil. Concernant les paramètres de confidentialité, ils sont souvent peu explicites et changent régulièrement, augmentant la difficulté du geste : il faut donc toujours les lire attentivement et ne pas hésiter à les revoir lors de leur mise à jour.
C’est majoritairement à partir des informations contenues dans le profil (âge, sexe, religion, lieu d’habitation, goûts musicaux etc. etc…) que les données vont être collectées et revendues. La solution consiste donc à remplir le moins possible ces informations et interdire aux moteurs d’indexer son profil. Pour terminer, une part très importante des informations collectées proviennent des applications tierces (jeux, sondages…) liées à un réseau social. Sans surprise, Facebook est un grand pourvoyeur de ce type d’applications (par exemple les « tests » pour connaître son  , à éviter autant que possible.
Vous pouvez taper votre nom sur Google, pour voir ce qui en ressort et  ainsi vous tenir informé.e des informations qui circulent. La protection des données personnelles est maintenant l’affaire de tous. La maitriser revient à mieux contrôler son identité numérique et participe du respect de la vie privée de chacun.

Enfin, si vous souhaitez protéger réellement votre ordinateur à l’aide de logiciels et qu’il devienne très difficile de vous espionner, voici quelques solutions.

Doit-on parler ici du pseudo ?



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