Que sont les « logiciels libres » et le mouvement du libre ?
A quoi ou à qui s’opposent-ils ?
N’est-ce pas réservé aux programmeurs et aux férus d’informatique ?
L’expression « logiciel libre » ne s’oppose pas à « logiciel payant », mais à « logiciel privateur ». Un logiciel privateur ne permet pas à ses utilisateurs d’accéder à son code source afin de le modifier, il ne permet pas non plus de le copier, distribuer etc. A l’inverse, un logiciel libre laisse les pleins pouvoirs à ses utilisateurs, à qui il est permis d’éditer, améliorer, copier et distribuer leur version du logiciel comme bon leur semble.
Aujourd’hui, l’immense majeure partie des logiciels présents sur le marché (qu’ils soient gratuits ou non) sont privateurs. Cela pose plusieurs problèmes, de la déresponsabilisation des utilisateurs au renforcement des systèmes de surveillance déjà en place (on ne vous a pas encore parlé de Big Data ?), et il est difficile de savoir, pour des personnes étrangères au monde du développement, à qui faire ou ne pas faire confiance…

Sommaire de l’article :
Le mouvement du logiciel libre
Le mouvement du logiciel libre est amorcé en 1983 par Richard Stallman, ancien étudiant brillant en physique et mathématiques d’Harvard, et hacker du département recherche en intelligence artificielle du Massachussets Institute of Technology. Tout commence lorsque l’imprimante de son laboratoire tombe en panne. Il tente de retravailler le programme pour l’améliorer et prévenir de potentiels futurs dysfonctionnements, mais réalise que le code source n’est pas accessible et que personne de la société fabriquant l’imprimante n’accepte de le lui fournir. Il craint immédiatement pour l’avenir de l’éthique des hackers (à savoir le partage des connaissances, le refus de l’autorité et le perfectionnisme, qui était très présente aux débuts de l’informatique), et lance le projet GNU, un système d’exploitation libre, qui sera terminé et lancé en 1989. Il fonde le mouvement du logiciel libre, avec le but de contrer la vague de logiciels privateurs commençant à déferler à cette époque et de conserver les libertés fondamentales en informatique, en encourageant la responsabilisation et l’éducation des utilisateurs. Cette notion d’instruction du public est précisément ce que les logiciels non libres décident d’oublier : ils placent l’utilisateur dans une relation de dépendance au développeur, en laissant penser que le code est un domaine trop complexe pour le commun des mortels et que l’utilisateur lambda ne devrait pas pouvoir y accéder.

Cette vague ne parviendra malheureusement pas à être stoppée et en 2016, on peut considérer sans exagération que tous les logiciels utilisés par les publics non connaisseurs du développement sont privateurs – sauf exceptions fortuites. Le problème majeur qu’identifie Stallman au sujet des logiciels non libres est le contrôle total qu’ils accordent au développeur sur son programme, et donc sur tous les utilisateurs dudit programme par la suite. Dès les années 1980, il pressent les mauvais usages que les programmeurs (et surtout les grandes firmes qui les emploient) vont pouvoir en faire, de la privation de libertés à l’espionnage, en passant par l’utilisation non autorisée de données personnelles… Plus que la dérive des logiciels privateurs, il avait pressenti tout le système économique d’Internet à venir.
Aujourd’hui, le mouvement du logiciel libre se développe tant bien que mal. Des associations telles que Framasoft militent pour proposer des alternatives aux logiciels privateurs qui soient viables pour les publics non connaisseurs. D’autres, comme l’Agenda du Libre ou Linuxfr, recensent les rendez-vous du libre en France et pays francophones pour se rencontrer entre programmeurs passionnés ou néophytes curieux, pour échanger, apprendre ou simplement découvrir.
Du logiciel à l’application, service 2.0 ou déresponsabilisation ?
Aujourd’hui, le marché du logiciel se voit concurrencé auprès du grand public par celui des applications. Foisonnant sur les smartphones, elles permettent d’accomplir autant de choses qu’il est possible d’imaginer sur un téléphone. Ce sont des « mini logiciels » qui exécutent automatiquement une tâche, tandis qu’un logiciel classique permet à l’utilisateur d’exécuter cette même tâche. Prenons l’exemple d’Instagram et Photoshop : Instagram (l’application) permet d’apposer des filtres prédéfinis sur ses photos et de les mettre en ligne automatiquement, tandis que Photoshop (le logiciel) permet de créer manuellement autant d’effets visuels que souhaités pour avoir un rendu personnalisé. Ces deux exemples sont privatifs (quasiment toutes les applications le sont) et même Photoshop ne permet aucun contrôle sur l’extraction de ses données personnelles.
D’un point de vue extérieur, les applications sont de formidables outils, très pratiques pour effectuer nombre de tâches du quotidien, de la plus amusante à la plus utile. Mais elles sont également le moyen parfait pour finir de totalement déresponsabiliser et instrumentaliser les utilisateurs : ceux-ci n’ont même plus besoin d’accomplir quoi que ce soit, l’application fait tout pour eux sans rien leur demander – y compris s’octroyer le droit d’enregistrer toutes les informations personnelles auxquelles les développeurs auraient pu penser…
Le problème reste épineux puisque, évidemment, les logiciels libres sont beaucoup moins accessibles pour le public lambda que les privatifs, qui sont pensés et optimisés pour l’expérience utilisateur. Ces derniers sont, de fait, bien plus faciles à utiliser : colorées et très interactives, les interfaces sont plus ergonomiques, toutes les fonctionnalités sont pré-intégrées et il ne faut généralement pas plus de quelques minutes pour tout comprendre et prendre en main. Au contraire, apprivoiser les logiciels libres, pour un non-connaisseur, demande de l’investissement et une certaine dose de motivation ; qui en vaut néanmoins la peine si l’on tient à ses données personnelles, ses libertés et sa vie privée.
Ces logiciels qui vous espionnent
Si, comme nous le précisons dans la page sur Big Data, une simple connexion à tel ou tel site web suffit à ce que vos données soient enregistrées, interprétées et revendues, il semble logique que des logiciels le fassent également avec encore plus de facilité. Et c’est en effet le cas : tant que le logiciel que vous installez sur votre ordinateur n’est pas libre (comme 90% des plus communs sur le marché), il est quasiment certain que celui-ci peut vous espionner et récolter vos informations à votre insu. Le site de Richard Stallman propose une liste de tous les logiciels espions ainsi qu’une autre sur les insécurités et autres dérives potentielles ou avérées des logiciels privateurs.
La situation peut sembler assez catastrophique, au regard du nombre d’atteintes à la vie privée soulevées par le site de GNU. Les logiciels les plus utilisés et certaines des marques les plus largement vendues, comme Samsung, s’octroient des droits sur les informations de leurs utilisateurs. Pour contrer cela, l’association Framasoft développe des équivalents des logiciels et services privateurs en ligne les plus usités, tels que Skype ou Dropbox, dont vous pouvez consulter la liste ici.
Liens
- Histoire du mouvement du logiciel libre
- Texte de Richard Stallman de mai 1983
- Liste de logiciels libres
- Enjeux d’un Internet privateur
- Pourquoi le logiciel libre est encore plus important maintenant
- Les sentinelles des libertés en ligne
- Guide d’autodéfense numérique